Depuis que le marché s’est concentré et mondialisé, la marge sur les produits agricoles vendus est captée par les plus gros acteurs : les grossistes, les transformateurs et les distributeurs au détriment des producteur-trice-s. Face à ces géants, l’agriculteur-trice ne peut être qu’être le perdant de ce rapport de force inégal. Car il y a toujours un producteur moins cher, le Français face au Suisse, le Portugais face au Français, le Mexicain face au Portugais…
Malgré les milliards engloutis pour soutenir la production helvétique: aucun objectif écologique atteint et baisse du nombre d’exploitations.
L’exemple du lait est symptomatique: selon les chiffres de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), le prix du lait de consommation n’a baissé que de 4% en moyenne depuis janvier 2009, alors que celui payé au producteur a chuté de 18%! Ces spirales de prix à la baisse ne cesseront pas sans refondre le système en profondeur, transformation et distribution compris.
Dans ce contexte, la propagande des opposant-e-s à l’initiative fait mouche auprès des agriculteur-trice-slesquels ont vécu suffisamment de tension à la baisse des prix depuis deux générations pour entendre l’argument 5/5.
Si l’initiative anti-pesticides passe, tout le monde serait obligé de faire du bio bas de gamme et les prix du bio suivraient le même chemin que les produits conventionnels et les marges fonderaient.
Il est cocasse d’entendre les multinationales se préoccuper des revenus des paysan-ne-s alors qu’ils leur interdise l’accès aux semences locales -la base de l’autonomie- et qu’ils vendent des semences stériles?
L’initiative n’impose pas le bio, seulement l’arrêt des pesticides de synthèse.
Le risque de baisse est-il si fort ? Peut-être pas.
Comme si les denrées agricoles représentaient un seul produit tel le prix du brut. Tel n’est pas le cas.
La réalité de la formation des prix sur la durée pourrait être plus subtile.
D’abord parce que la production suisse est peu significative par rapport à la production mondiale.
Ensuite parce que l’effet d’offre sans pesticide sera progressif -10 ans- et non brutal comme peuvent l’être les périodes de surproduction. Enfin parce que la transformation du mode de culture va s’accompagner d’une réaffectation des productions plus orientées sur l’alimentation des humains que celle du bétail- ce qui changera la nature même de l’offre.
Dans le même temps, un autre phénomène va modifier la donne : la tension sur la production agricole.
Du fait des crises climatiques, les rendements agricoles seront amenés à baisser.
L’exemple des derniers mois est parlant. Février à 20°C degrés et avril à – 3°C : les abricots valaisans n’y résistent pas, certains vignobles non plus. Mauvais plan pour les pollinisateurs qui meurent de froid en butinant et par voie de conséquence pour la pollinisation des arbres fruitiers.
Mars et avril : sécheresse car les précipitations ont été insuffisantes. Autres récoltes compromises.
Voici ce qui est de nature à modifier le rapport de force entre les producteurs et les acheteurs, centrale d’achat par exemple pour autant que les importations soient dûment contrôlées, voire bloquées, ce qui est prévu par l’initiative.
L’alimentation étant un bien essentiel non substituable, si la demande est en croissance mais que l’offre est en baisse, les prix auront tendance à augmenter.
L’énorme succès des produits « C’est qui le patron »[1] en France notamment montre que le consommateur est prêt à rémunérer le bon produit à son juste prix. Les consommateurs créent leurs propres produits en soutien aux producteurs
Voilà une piste à suivre.
[1] www.lamarqueduconsommateur.com